Montagnac

Montagnac

19 avr. 2015

COLLOQUES

 

18 octobre 2014




Centenaire de la Grande Guerre

« Quelque part en Europe en août 1914 »




Dernièrement notre association a commémoré à sa façon le centenaire du début de la Grande Guerre. Après avoir salué M. le Conseiller Général, M. le Maire, les cinq conférenciers et le nombreux public, le président André Nos a donné la parole à Mme Yvette Médina, présidente du colloque.

Celle-ci nous a présenté la journée et le premier intervenant, le Professeur Rémy Pech de l'Université de Toulouse.

« Pourquoi a-t-on tué Jaurès ? »



A cette question l’universitaire répond « parce que cet homme du Midi était le dernier obstacle à la déclaration de guerre ». Jaurès savait depuis 1887 que "le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l'orage". Il était l'adversaire résolu d'une solution militaire à la question de l'Alsace.

Pour autant M. Pech ne le voit pas victime d'un complot : ni la Russie, ni les jésuites ne sont pour quoi que ce soit dans son assassinat qui est donc l’œuvre d'un isolé, un ingénieur agricole, Raoul Villain, nationaliste déséquilibré. L'assassin acquitté en mars 1919, en pleine période bleue horizon, périra misérablement en 1936,assassiné à son tour sur l’île d'Ibiza par des républicains espagnols, peut-être anarchistes en tout cas plus expéditifs que les jurés de la république française.

 

Après les remerciements de Mme Médina, le professeur Michel Fournier, agrégé d'Histoire nous a peint le tableau de « l'année 1914 à Béziers et dans le Biterrois ». Cette année là, Béziers compte 50 000 h et vend le vin entre 30 et 40 Fr l'hecto.  La ville possède un hôpital, une poste et un hôtel de ville neufs et deux familles radicales s'en partagent l'hégémonie.
La garnison est tenue par le 96ème d'infanterie et le 1er hussards.


L'opinion est calme. Aucun problème local n'a été soulevé par la loi des 3ans mais l'affaire du Maroc a excité certains revanchards. « l'éclair », journal royaliste du 27 juillet titre : "aurons nous la guerre ??"  Le 3 août tocsin et tambours annoncent sa déclaration. Elle va apporter la paix dans les familles divisées en politique. Mais se pose aussitôt la question des vendanges sans hommes ! Les institutions sont unies dans la cause sacrée : Conseil Général, Évêché, Mairie, Parti radical, Parti socialiste, et Élus nationaux.

 La gare de Béziers voit partir 5 000 hommes. Une lettre inédite d'un soldat de St Geniès le bas montre son auteur résolu,confiant et exhortant son entourage au courage et à la patience. Avec un courrier irrégulier et censuré les nouvelles revêtent une importance capitale. La vie civile est bouleversée avec fermetures des salles de spectacles, cafés, hôtels et maisons de noce. Le rationnement de certaines denrées a commencé : blé,sucre, charbon. Chevaux, mulets et voitures sont réquisitionnés et les prix commencent à monter.

Les mairies organisent la vie civile : création de crèches permettant aux femmes de vendanger, allocations aux femmes en couches, mise en place d'une garde civile dissoute ensuite par l'armée. Mais les déclarations de décès commencent à arriver : 350 à Béziers pour les cinq premiers mois de guerre. 70 blessés arrivent le 6 septembre et certaines écoles sont transformées en hôpitaux comme à Montagnac à l'école Pasteur. Une lassitude s'installe dès la fin de 1914 et elle va durer 4 ans. Seul rayon de soleil biterrois : le vin se vendra bien pendant 4 ans.




Après les réponses aux questions posées à M. Fournier, Mme Médina a eu l'honneur d'une innovation dans nos colloques en donnant la parole à une étrangère, Mme Friederike Cornelsen, professeur d'histoire à Hambourg. Sa conférence : « Politique et société sous Guillaume II » a apporté l'éclairage allemand de l'avant première guerre mondiale. Dans l'Empire allemand de 1871 qui n'est pas un état fédéral mais une fédération d'états indépendants, Bismarck exerce l'autorité prussienne dans le nord de l'Allemagne, la Prusse doit lutter contre les sociaux démocrates et le parti catholique. Il entreprend aussi la prussianisation des états du Sud. La noblesse et la bourgeoisie copient le style impérial, la société agraire s'industrialise au grand galop et pour les capitalistes étrangers l'empire germanique devient un partenaire intéressant.

Guillaume II veut se tailler une part du gâteau colonial soit par le troc soit par le chantage, soit par la guerre. En 1890 Bismarck est congédié donc le souverain paralysé du bras gauche, instable et nerveux devient le véritable décideur et sera le seul responsable.

La noblesse protestante est constituée de junkers, hobereaux, propriétaires terriens et officiers formant 69% des cadres de l'armée si bien que l'on dit que la Prusse est une armée avec un état. De plus Bismarck a soumis la bourgeoisie en détruisant le libéralisme politique. Ce sont les étudiants et les églises qui tant bien que mal incarnent un idéal démocratique. Or c'est l'église protestante luthérienne qui constitue la poutre maîtresse de l'édifice impérial. Seul maître à bord Guillaume II fait construire ou compléter sa flotte de guerre en 1907-1908, prépare ses futures campagnes et  la propagande parle d'une guerre préventive contre la Russie, défensive contre la France et de lutte contre l'Angleterre avec la constitution d'un empire colonial. Tout le pays est derrière le Kaiser qui croit en une victoire inéluctable. Seules de rares voix s'alarment contre la boucherie qui s'annonce, comme celle d'Heinrich Mann, frère de Thomas, grand connaisseur de Latude et créateur du sulfureux " Ange bleu "  ou celle de Robert Musil. La guerre voulue aussi par Guillaume II apporte en Allemagne aussi son cortège funèbre de morts et de blessés.

Elle provoque l'explosion des prix des denrées alimentaires et le chômage dans les premiers jours du mois d'août. Le plan Schlieffen  d'invasion adopté sans discussion échoua devant la Marne mais la population avait accepté la guerre parce que les opérations se déroulaient hors d'Allemagne. Le peuple Allemand abasourdi par la défaite, avala sans discuter, la légende du coup de poignard dans le dos et se réfugia dans un nationalisme qui le conduisit à se donner à un étranger moustachu, provocateur de la deuxième guerre mondiale. Après les questions des participants et les remerciements chaleureux de Mme Médina, un bon repas servi dans la salle André Sambussy permit aux auditeurs de refaire leurs forces tout en suppléant les langues des conférenciers , eux aussi bavards à la table d'honneur.



Après ce long entracte réparateur, Mme Médina a donné la parole à M. Jean Sagnes, Professeur à l'université de Perpignan et bien connu des Montagnacois. Ce spécialiste de l'histoire ouvrière a traité : « Socialisme et syndicalisme dans l'Hérault pendant la grande guerre »En 1914 l'Hérault compte 480 000 habitants employés dans la culture de la vigne mais aussi dans l'industrie : mines, métallurgie, chimie et textile. Les ouvriers à forte tradition syndicale constituent 70% de la population. En politique on identifie trois couleurs : les blancs de droite, les bleus radicaux et les rouges socialistes qui ont obtenu deux députés sur six. Le département compte aussi plusieurs bourses du travail. Les socialistes sont contre la guerre mais après l'assassinat de Jaurès, tous les PS d'Europe sauf deux s'engagent dans l'union sacrée. L’Éclair, journal royaliste, réprouve  l'attentat mais critique les idées de Jaurès.

La censure salue les journaux, les syndicalistes sont mobilisés et seules trois bourses du travail se maintiennent qui se transformeront par solidarité ouvrière en coopératives d'alimentation. La guerre sanctifie le travail mais l'entrée des femmes dans la vie active relance la revendication : "A travail égal, salaire égal !" La crise de 1917 et ses douze grèves provoque un frémissement de l'opinion en faveur de la paix. Au PS les effectifs s'effondrent et le congrès de 1915 ne compte que deux mandats contre la direction. Dans ses lettres à un parent de Saint Thibéry, Barthe redoute  le développement de la vigne au Maroc, analyse les événements de Russie en 1917 et se méfie de Clémenceau qui a fait arrêter Malvy et Caillaux. Le grand problème  est maintenant posé par la deuxième révolution russe. La révolte de la flotte allemande en fin 1917 et les mutineries en France annoncent les craquements qui vont bouleverser l'Europe.

Pour la  "vie sociale", Lénine a retardé la victoire mais fait avancer le socialisme. En 1919 la guerre est finie mais les grandes grèves poussent Clémenceau à accorder la journée de huit heures. Les élections législatives accordent deux députés aux socialistes héraultais. En 1920 la scission de Tours voit les communistes l'emporter au plan national mais le département de l'Hérault reste socialiste dans un  pays où l'unité ouvrière réussie par Jaurès a volé en éclats. 

Après les questions et les réponses données par M. Sagnes, Mme Médina a appelé M. Secondy docteur en histoire qui a exposé l'attitude de «  l'église diocésaine dans la guerre de 14 »A partir de 1880 éclate en France la guerre entre catholiques et  laïques mais le début de la guerre mondiale va changer tout cela. Dès l'entame du conflit, le Cardinal de Cabrières fait allégeance à l'union sacrée et œuvrera pendant toute sa durée en faveur de la victoire. En 1900 le diocèse compte 700 prêtres dont 650 sont en action pastorale. 250 sont mobilisés et la moitié d'entre eux seront des combattants ne bénéficiant d'aucun privilège. Dans les tranchées les non pratiquants se rendent compte que ces curés valent bien mieux qu'ils ne l'imaginaient et ces sentiments sont réciproques.

En 1917 on célèbre en Allemagne le quatrième centenaire de la Réforme, donc pour les Français la guerre serait le produit frelaté de la pensée de Luther, mais un autre courant de pensée rend à Luther sa valeur théologique. La peur de la mort et l'appréhension de l'au-delà suscitent un renouveau de l'esprit religieux. Au plan matériel le clergé lance les travaux de confection de colis et de vêtements.Le cardinal de Cabrières, ami du roi Albert 1er fait réserver un accueil excellent aux réfugiés belges dans son diocèse. On procède à la gravure de plaques en souvenir des morts et les blessés sont soignés dans les édifices religieux transformés en hôpitaux. Le père Cabanel aumônier de Montpellier prononce 74 discours en anglais aux États-Unis et l'abbé Marme donne du sang à un blessé considéré perdu. Malgré ce, les rumeurs les plus abjectes circulent sur le clergé qui aurait fourni des subsides au Kaiser.

Tout ceci est faux et la polémique tourne à l'avantage des religieux. La desserte des paroisses est assurée par des prêtres âgés et par des permissionnaires. Les pèlerinages locaux, surtout dans le sud : Lourdes, Béziers, Sète attestent de la piété des pratiquants. Enfin après la guerre, le diocèse de Montpellier a été le premier en France à reprendre le pèlerinage de Lourdes. Après les derniers remerciements de Mme Médina aux conférenciers et aux participants et au public attentif, le mot de la fin sera pour André Nos : Après les affrontements et les secousses du début de la troisième république, l'union sacrée sera la reconnaissance officielle du régime né du désastre de 1870.C'est la conclusion d'une très belle journée d'histoire à inscrire à l'actif des Amis de Montagnac.
 
                                                      **********       


19 octobre 2013

"LA RESTAURATION et LA TERREUR BLANCHE"


De gauche à droite :
Charles Guiraudon, André Nos, Jean-Claude Richard

Le 19 octobre s'est tenu à Bessilles le colloque annuel des Amis de Montagnac sous la présidence d'honneur de Mr Roger Fages, maire de la cité.
Le premier intervenant, le Professeur Jean-Claude Richard, également président effectif de la journée, a brossé un rapide tableau de ce qu'a été la Restauration avant de présenter à l'auditoire la statistique du département de l'Hérault commandée par le Préfet de l'époque Creuzé de Lesser à son fils Hippolyte. Ce document d'un intérêt prodigieux nous offre un tableau complet, ville par ville, des richesses et des faiblesses de notre entité administrative. Cette statistique est un ouvrage de référence qui rend d'immenses services à celles et ceux qui s'intéressent au premier tiers du dix neuvième siècle.

Claude Pradeilles
Mais cette Restauration de la monarchie a suscité une réaction criminelle dirigée contre les tenants des régimes abolis après Waterloo, que nous a présentée Claude Pradeilles avec la Terreur blanche. Le Midi, région royaliste, fut le théâtre de nombreux massacres de républicains, de bonapartistes et de protestants. Les villes comme Marseille, Avignon, Toulon, Nîmes, Montpellier et Mende furent les témoins de désordres meurtriers contre lesquels les autorités légales ne purent ou ne voulurent pas intervenir. Montagnac aussi connut trois affaires criminelles : deux incendies volontaires et l'assassinat du percepteur Marc Brousse, bonapartiste notoire.

Alain Garcia
Or cette période trépidante et glauque a vu la mise au rancart d' authentiques héros, tel le commandant Augustin Valat, demi-solde dont Alain Garcia nous a conté l'histoire. Issu d'une famille aisée comptant trois garçons, Valentin-Maurice s'engage en 1792, à vingt ans, comme simple soldat au deuxième bataillon de l'Hérault. Il sera blessé six fois sur cinq théâtres d'opérations différents : à Toulon, à la main gauche en 1793, à Acre en Palestine à la tête en 1799, à Friedland en 1807, en Espagne à Almonacid en 1808, à côté de Pampelune d'un coup de feu à la main droite en 1813 et enfin à Orthez au bras gauche en 1814. Son dossier est clos en 1815 alors qu'il est chef de bataillon placé en demi-solde. Il se mariera à Clermont en l818 et s'y éteindra en 1852 à quatre vingt ans. Chevalier de la légion d'honneur en 1807 il en fut nommé officié deux ans plus tard pour terminer titulaire de son ordre royal.
Après une longue discussion sur les trois conférences, un bon repas pris sur place a permis au colloque de se parer de sa livrée d'amitié qui constitue l'un de ses attraits.

Mais si certains se couvrirent de sang et de gloire sur les champs de batailles, d'autres, à Montagnac, se couvrirent d'argent dans les champs agricoles. Ce fut le thème de l'après-midi présenté par le président André Nos.

Les registres des notaires nous apprennent que la Révolution à Montagnac a été douce et bourgeoise. On a construit sur le terrain des Augustins mais aussi à la sortie du village sur la route de Pézenas et sur celle de Villeveyrac. Le temple actuel a été édifié en deux ans, hors des remparts. La mairie a été logée dans l'hôtel de Brignac, puis près de l'église, dans les lieux laissés par les Pénitents blancs déplacés chez les Augustins. Vingt cinq gros propriétaires ont participé à la curée réalisée sur les biens nationaux, les acquisitions de ces biens ont été réalisées en liquide, rarement en assignats. Enfin les grands bourgeois de Montagnac vont aménager les « folies » viticoles que sont les quarante grands domaines appelés ici : les campagnes.

 Le démenbrement en parcelles et appartements des grands hôtels particuliers débutera à ce moment là et au XXe ils seront les logements de gens très humbles. Dans la vie quotidienne la Restauration sera l'initiatrice des distilleries, des jeux de boules, des cafés avec leurs billards et de l'utilisation des rasoirs et des blaireaux. Les sobriquets fleurissent : lÒgrapau, lÒracanet, lÒbaranel, lÒberdinel. Une nouvelle époque commence.
A l'issue de cette brillante intervention qui a clôturé cette magnifique journée, nous laisserons au président Jean-Claude Richard le dernier mot de sa synthèse remarquable : « les révolutions passent, les intérêts privés demeurent ». Ce qui fut bien le cas à Montagnac.

                                                                                                                        





           
             


 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire